jeudi 26 février 2009

Des observateurs privilégiés

Le dernier de nos frères est né au Congo où nous avons vécu enfants. Au Congo, on confiait la garde des enfants à de grands et de solides gaillards, souvent des chasseurs ou des guerriers, reconnaissables à leurs scarifications. A la Martinique où nous avons débarqué, petits enfants, c’est à des Da que nous fumes confiés. Etrange coïncidence, la première d’entre elles Anelta était descendante de Congo ! Ce sont elles qui nous ont fait connaître la richesse des traditions et le créole.

Enfants les grandes vacances au Diamant étaient le moment des grandes découvertes.


Le Pére Pinchon, éducateur et scientifique hors pair, avait su éveiller notre intérêts pour notre environnement. Au Diamant il n’y avait alors ni eau courante, ni route, ni électricité, et les maisons de l’anse Cafard où nous avions quelques amis pêcheurs étaient en torchis. Mais tout y était à découvrir.

Très jeunes nous avons été confrontés à la question de la dualité des sources historiques, les sources officielles écrites, et la tradition orale. Plus d’une fois notre père avec ses vastes connaissances est venu soit conforter soit infirmer les informations ou histoires recueillies auprès de nos Da ou de quelques uns des anciens des mornes du Diamant. Dans les années 50-60, nous nous y aventurions à la suite de Monsieur Samson, ou de notre ami Monsieur Bingue de la Taupinière qui habitait à deux pas d’un « cimetière Congo », comme nous le sûmes plus tard. Sa femme était en partie une descendante de caraïbes, les « anciens naturels du pays » comme on disait dans les registres de catholicité que nous avaient montré Emile Hayot, un ami de notre Père. Et pourtant certains persistaient à écrire que les caraïbes avaient tous été exterminés depuis la fin du XVII° siècle. L’arbre généalogique de la famille du député Ernest Deproge prouve le contraire .

Plus tard la révélation de la richesse et la complexité de la tradition orale nous est venue de nos expéditions avec Anca Bertrand une anthropologue d’origine roumaine qui avait adopté comme patrie la Martinique en épousant le peintre martiniquais Alex Bertrand. Nous avons enregistré des tambours dans les hauteurs du Diamant, filmé de la « Haute Taille » dans d’autres quartiers, enregistré, photographié sans cesse. Monique, sœur de maman, après avoir enregistré les « Fables Compére Zicaq » de Gilbert Gratiant, fut l’une des organisatrice de la première veillée mortuaire télévisée par l’ORTF sur l’habitation St Laurent au François. Il n’y avait pas eu de morts dans le créneau horaire syndical, aussi avait on fait appel à un simili mort. La veillée s’étant emballé, on avait oublié cet aspect particulier jusqu’au cri « Môa lé pisé, môa ka lévé pisé »avait dit une personne en voyant l’acteur se lever pour aller aux toilettes. L’humour est fondamental dans la pensée créole. Cependant la grande découverte pour nous c’est l’archéologie et l’ouverture aux cultures amérindiennes en particulier dans le magnifique site du Diamant. Un peu plus tard notre père nous a fait le plus beau et redoutable des cadeaux en nous introduisant auprès des conservateurs des archives de la France d’Outre Mer, mesdames Ménier et Pouliquen. Elles nous donnent un large accès aux sources de la mémoire écrite.

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